DJ/RUPTURE : strike against geography - Itw

DJ/RUPTURE : strike against geography



Elu haut la main Dj le plus explosif lors de l’édition 2002 du festival Sonar, DJ/Rupture fait dorénavant figure de chef de file d’une nouvelle génération d’artistes électroniques sans œillère.. Le grand mix entre le Zimbabwe et Brooklyn, entre Barcelone et le Caire.


Il fallait voir le public de Sonar 2002 sur les genoux après la prestation de Jace Clayton, jeune américain ayant élu domicile à Barcelone, pour comprendre que l’on avait devant nous l’un des plus prometteurs producteurs et Djs des prochaines années. Breakcore, dub, ragga, hip-hop, musique traditionnelle nord-africaine, noise ou encore chart R&B, la démarche DJ/ Rupture est déterminée. « Après avoir été animateur radio pendant quatre ans, j’ai commencé à mixer avec l’explosion de la jungle. J’aime mixer aussi bien les classiques soul anthems avec des rythmiques breakcore et proposer des sonorités inattendues dans mes sets. Je ne veux pas me contenter de passer ce qu’attendent les gens, je préfère les amener à des styles qu’ils n’ont jamais écoutés ou qu’ils considèrent comme étranges ».

Car derrière le Dj/Rupture activiste d’un son percutant, se cache Jace Clayton, boulimique de métissage. Militant de l’ouverture d’esprit, casseur de frontières culturelles, armé de trois platines, il allie avec une facilité déconcertante les sonorités marocaines, l’énergie drum’n’bass et l’agressivité hardcore, sans se perdre pour autant dans une démarche expérimentale et élitiste. Car la force et la personnalité de son travail, nous entraînent bien loin des projets étiqueté ethno-électronique. DJ/Rupture ne tombe pas dans le pastiche intellectualisé ou le traditionalisme numérisé. Il découpe et malaxe les ambiances et les techniques pour les intégrer dans son propre monde grésillant, poisseux et bancal . Un globe-trotting où les percussions arabes se brûlent les ailes sur les plaisirs digitaux de la noise japonaise. « La musique nord-africaine m’attire plus particulièrement. Mon intérêt ne s’arrête pas dans le fait de sampler des sonorités, je m’inspire également de la logique et des structures de la musique arabe. Je m’efforce de conserver cette dynamique pour mes productions sans pour autant intégrer de façon automatique des sonorités locales. ». Une dynamique et une authenticité qu’il souhaite également conserver en mix « les nouvelles techniques de Djing assistées par ordinateur ne me conviennent pas. Je préfère la flexibilité et le côté tactile des platines »

Imaginez les princes du Raï haranguant les foules sur un beat de Kid606. Une efficacité incroyable qui le propulsa « best Dj in the world » dans le magazine alllemand DE :BUG et qui interpella naturellement Kid606 « Je lui ai envoyé une copie de Gold Teeth Thief et notre collaboration a commencé. Il faut dire que Kid606 est l’une des rares personnes honnêtes dans le businness.. Il suffit de voir l’évolution de Tigerbeat6 pour s’en convaincre. Il a aidé de nombreux artistes et conserve une ouverture d’esprit qui permet à son label de ne pas se confiner dans un style particulier. Il défend aussi bien le rock que la gabber, Merzbow que Cex.. On ne peut que respecter cette diversité »

Une diversité que l’on retrouve également sur son propre label Soot (présentant notamment le producteur égyptien Mutamassik) que dans son nouveau projet Neetle, développé avec DD sur le label américain Agriculture. « C’est une très belle expérience, car nos compositions résultent de la confrontation de nos points de vue respectifs. J’adorerai enregistrer des sessions avec des musiciens africains expatriés à Paris. Ce serait fantastique. Paris reste la capitale européenne de la musique africaine et arabe. Je souhaite de plus en plus aller dans cette direction. C’est pourquoi je collabore actuellement avec de vrais musiciens ». Sortant prochainement un split Ep avec The Bug (Kevin Martin de Techno Animal) sur Tigerbeat6 ainsi qu’un second avec le japonais Ove-Naxx (sur Soot), remixant Merzbow et travaillant sur un album de remix de Nettle, Jace Clayton multiplie les expériences comme pour montrer à toutes les familles musicales le chemin à suivre. « Travailler avec des artistes naviguant dans des styles différents ne peut être qu’enrichissant. J’aimerai beaucoup créer des rythmiques pour le rappeur Jean Grae ou collaborer avec le groupe de reggae T.O.K. Suite à la sortie de mon mix Gold Teeth Thief , j’ai reçu de nombreuses demandes de bootlegs pour des labels. Notamment Tigerbeat6 et KoolPop de Berlin. Comme ce sont des amis, j’en ai fait deux en samplant des «a capela» et en composant complètement la musique. Mais ce seront les deux seuls, car ce phénomène a plutôt tendance à m’ennuyer. C’est vraiment facile et sans intérêt de mixer deux morceaux de pop. »

A des années-lumière de l’agressivité des sûrs-de-leur-fait ou des manipulateurs de la scène hardcore, Jace Clayton est calme, posé et curieux. Il cite comme références aussi bien Pixies et John Peel (pour lequel il vient d’enregistrer une session) que le hip-hop et la musique concrète . Nous parlant de sa tournée méditerranéenne avec Norah Jones dans un groupe d’acid-jazz signé sur Blue Note comme de son plus beau souvenir de tournée, il reste à l’affût et passionné par toutes les nouveautés musicales ; « La scène dub-reggae française est vraiment riche et vivante. Des groupes comme Ez3kiel ou Kazamix ont une véritable originalité. Je ne comprends pas les groupes nostalgiques qui essaient absolument de reproduire les sons de KinG Tubby. On retrouve cette attitude d’imitation dans le hip-hop mainstream. Cela n’a pas beaucoup d’intérêt. Ils se contentent de copier leurs aînés New-Yorkais ou de la West Coast... Le groupe TTC a l’air de se démarquer. Ils ont l’air vraiment cool, même si je n’ai écouté que quelques-unes de leurs compositions ..».

Dans le contexte mondial actuel, on peut se demander si la démarche de DJ/Rupture n’est pas également un acte politique. L’avenir nous le dira..

LAIKA

LAIKA
« Lost in Space » (Too Pure /Beggars Banquet)

Il faut s’arrêter sur cette compilation de Laika. Ne pas hésiter à monter le son et redécouvrir cette électrodub-pop fragmentée, ouverte et éclatée. Troquant les guitares pour des samplers,
John Frenett, Guy Fixsen et la chanteuse multi-instrumentiste Margaret Murphy Fiedler (également ancienne collaboratrice d’Ultra Vivid Scene) désertent Moonshake pour former Laika en 93. Mais la musique restait identique : nerveuse. Sous l’emprise d’une rythmique dub et speedée, Laika jouait au géomètre sur bandes, déroutait, envoûtait, hypnotisait, inventant une musique au service des phénomènes lumineux filmés caméra à l’épaule. Eléments invisibles, scintillements sonores et flashs étourdissants, la voix de Marget apparaissait alors comme un phare dans les méandres de ces compositions hybrides aux éclats captivants. Puis plus rien. Voilà trois ans que nous n’avions plus de nouvelle, trois ans où patiemment ils ont attendu leur heure. Celle-ci, aujourd’hui, sonne à nouveau le temps des conquêtes terrestres car cette rétrospective confirme les ouï-dire : « ils ont marché sur la Lune ».

MOUSE ON MARS

MOUSE ON MARS
« Rost Pocks » (Too Pure / Beggars Banquet)

Considérés comme les dignes héritiers de Can, Andi Toma et Jan St. Werner sont rapidement devenus le fer de lance de la musique électronique underground allemande. La raison ? Dès 94, date de signature sur Too Pure, le duo de Düsseldorf avait su déjà construire un petit monde si identifiable parmi la production de l’époque. On y trouvait une ligne claire qui ne manquait pas à l’époque de rappeler Orbital ou Ultramarine et ses démangeaisons dubesques à nous donner le vertige technicolor. Rugosité électronique, profondeur dub, transparence pop, leurs compositions d’aquariums ont aussi bien influencé Herbert (« Schnick-Schnack ») qu’Amon Tobin (« Schlectron »), Andrew Weatherall (« Schnee Bud ») que les Tortoise (« 7000»). Et l’écoute du nouvel album de Freeform (« Human, Skam, SkalD4 ») ne viendra que rajouter une pierre à l’édifice de ce le duo caméléon. Pendant ce temps, Andi et Jan matent les stars électro-intello de ces dernières années rost pock, en amateurs hilares, s’offrant le luxe de trimbaler leurs guêtres sur différents labels (Thrill Jokey, Rought Trade,..) pour stimuler les uns ou décourager les autres.

MEGADEBT

MEGADEBT « MISADVENTURE$ IN GLOBAL DOMINATION »
DOCNUKE.COM « PETROLEUM G-STRING »
(RICE AND BEANS / CHICA-CHIC)

La Mano Fria, fils d’immigrants colombien et costaricain basé depuis de nombreuses années à Miami, a les crocs et la haine devant l’impérialisme « $ business ».. Assez pour créer dès 1999 le label Beta Bodega puis très vite les sous-labels Rice & Beans et Botanica del Jibaro. Véritable acte politique les labels sont l’expression artistique d’une résistance pour dégager l’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud des chaînes de la globalisation et du néocolonialisme qui les entravent. A l’image du maxi « Misadventure$.. » et du 45t de Docnuke.com. Spectaculaire force noire d’un hip-hop revendicateur, les premières minutes nous plongent d'emblée dans les méandres d'un breakbeat carbonisé. Atmosphères métalliques, messages au vitriol, loops malades, basses énormes, Mr Soundwave, Otto Von Schirach, Docnuke.com et frères de sillons rassemblent leurs pouvoir pour un pugilat mortel anti Bush. Ko les gouvernements et les suiveurs de son ! Enorme ! !

VENETIAN SNARES

VENETIAN SNARES
« Winter in the Belly of a snake » (Planet Mu / La Baleine)

Aaron Funk. On n’aurait pas réussi à trouver mieux comme nom pour ce grand gaillard canadien. Dotée d’une vitalité musicale lui permettant de sortir en moyenne quatre albums par an, la stature impressionnante de ce natif de Winnipeg s’impose désormais comme l’homme à suivre de la nouvelle scène break. Ancien compagnon d’Aphex Twin, Mike Paradinas n’a d’ailleurs pas hésité longtemps à devenir son plus grand admirateur et son principal promoteur via son label Planet-Mu. Et avec « Winter in… » , Aaron frappe un grand coup concoctant le parfait adage entre ambiances sombres et déferlantes drum’n’bass, électronica épaisse et structures démoniaques. Reprise d’un morceau de Misfits (groupe punk culte) à la façon d’un Nick Cave numérique, breakbeat poisseux, chansons grésillant sur la lime de fer, on dérape, on titube, se laissant valdinguer d’une fureur électronique à une mélodie pernicieuse, d’une plage ambiante expérimentale à la grandiloquence d’emprunts classiques. Car voilà la nouveauté, Aaron a trouvé le juste équilibre anéantissant le risque de claustrophobie que pouvaient occasionner ses précédents opus. Si vous prétendez aimer le dernier Aphex Twin vous ne pourrez qu’apprécier. Sinon ce ne sont que de belles paroles……

DJ SCUD

DJ SCUD
« Ambush ! » (Rephlex / la baleine)


Rephlex se spécialise dans la réédition.. Après Future Sound Of London voilà donc, dans un tout autre style, Dj Scud et quelques morceaux sortis sur Ambush, Transparentou Klangkrieg . Comme à son habitude, ça fuse dans tous les coins, une véritable pluie de larsens triturés, un trou d’eau dans la vase d’un étang d’épuration, une éructations de vocaux ragga faisandés, une crue de décibels noyant la contreverse culturelle, une pratique électronique jouasse et instinctive. Entre drum’n’bass poisseuse faisant passer Optical pour un lounge-performer et hardore aride faisant violence au revival de l’ère rave des débuts des années 90, Dj Scud se fait le roi du détournement, en opérant une fusion breakcore sans compromis. Dj Scud : le sniper du break déterminé à casser du puritain.

AUTECHRE

AUTECHRE
Sean Booth et Rob Brown sont sans aucun doute les artistes les plus influents de ces dernières années. En décorateur de l'éphémère, le duo anglais revient sur le devant de la scène, de façon presque métronomique depuis de nombreuses années (1 album tous les 2 ans), et présente à nouveau leurs expérimentations inspirées des effets scope d'un John Barry lunaire et des harmonies futuristes dont eux seuls ont le secret. Confield commence par quelques minutes sombres et grinçantes où l’on se retrouve devant un aménagement de tuyauteries obstruées de limaille industrielle, charriant derrières eux hip-hop désossé, électronique infectieuse et mercure mélodique…Vient alors une sensation quasi narcotique et tranquillement toxique qui vous fait rentrer dans cette bulle de Plexiglas raffinée resplendissant d'atmosphères chaotiques, d'ambiances religieuses (sur « Cfern »), ou de fièvres concassées par les lames de fond. C'est l'ivresse des grands fonds mariant les démangeaisons cosmiques et les vertiges rythmiques, le blues des profondeurs et les remous expérimentaux, les mélodies simples « fédératrices » et les nappes feutrées d'une soul urbaine électronique, la complexité chaotique de la profondeur des machines et la sinusoïde de la mère électricité . C'est le festival des bleeps électroniques, des breaks asthmatiques, des métaphores orchestrales et des mécaniques laborantines. Un album à la géométrie variable, construit comme un château de carte à l'équilibre incertain, un univers mutant où breaks tranchant et danses neurasthéniques dament le pion aux furies charnelles. Plongée en eau trouble, apnée au milieu des fumigènes, cet album n’est pas des plus festif mais il m’a réconcilié définitivement avec ces « généticiens de l’électron ».
« Confield » (Warp/ Source)