DROP THE LIME « THIS MEANS FOREVER » (Tigerbeat6 )

Drop The Lime nous promet du sang, du vin, des chips et du breakbeat fris. Un festin ? Une orgie culinaire ! Jeune américain, paré de son tablier à l’effigie des labels Tigerbeat6 et Broklyn Beats, Drop The Lime déboule avec son attirail de fin limier. Découpant samples et loops sur le coin de son plan de travail, arrosant de citron l’intégrale drill’n’bass, pimentant sa drum’n’bass de sonorités acid, il incise un demi-centimètre au dessus de l’arête centrale avec la pointe du couteau et tord le cou au artifice d’un breakcore fast food. Car Drop The Lime compte bien avoir des étoiles. Jeune chien fou, à la fois Kid 606 et Jamie Liddel, punko-crooner biberonné au catalogue Virus et aux breakbeats parfumés à la bière, il n’offre pas un album « de plus » mais une carte alternative qui redonne le goût au chose et le sourire.. Une carte ludique que l’on devrait imposer à nombreux apprentis drum’n’bass et breakcore.

AUDIOPIXEL

Bâti comme une chambrette au milieu de nulle part, avec de la paille dans les chansons et des paillettes en guise d’étoiles, avec des électrons digitaux fumés au feu de bois et des passages pop crépitant à la lueur du crépuscule, voilà « Memento Rumori », premier mini-album d'Audiopixel. Un disque au charme étrange, sonnant comme une musique "de laptop sans laptop". Regorgeant d'effets numériques, d'interférence, la musique d’Audiopixel joue à l’équilibriste sur le fil d’Ariane, plonge les bruissements de l’électronica de Mego pour s’envoler rapidement vers des mélodies évanescentes d’un apprentissage classique. Jeux de cordes et atmosphères rugueuses, voix féminine entre chant et murmure, un piano, une ou deux guitares, quelques pédales d’effets, « Menmento » s’évapore dans des phrases mélodiques rappelant Fennez, Smog, Codeine et Braille. Une musique simple et authentique dépouillée de ses accessoires de pacotille, pour un disque que l’on sait pour longtemps sur la platine.

AUDIOPIXEL « MEMENTO RUMORI » (Effervescence / La Baleine)

MAZK

Onze minutes. Il faut onze minutes à Masami Akita (Merzbow) et Zbigniew Karkowski pour en arriver au point de saccage. Saccage du petit confort dominicale, des petites assurances d’une musique électronique à manuel mais sans âme. On débarque en pleine brume épaisse et opaque, un brouillard qui pourrait bien nous foutre la pétoche lorsque l’on connaît les deux protagonistes vivant au Japon. Les essuie-glace fatigués cuinnent comme pour annoncer le déluge. La bourrasque ! Il pleut une pluie sale, lourde et poisseuse, noire de parasites et de sonorités traitées à l’éther. Les murs se fissurent sous la pression des remous asthmatiques, le sol s’envase dans un vrombissement sonore raide comme un I. Puis un espace vierge , où l’on découvre la solitude nocturne, les embruns de la mer du Nord, les démangeaisons rongeant comme autant d’érosions. Derrière l’inexorable écoulement du sable, du temps et des crépitements sonores, c’est l’usure corporelle et morale, les phases euphoriques accompagnées de consternations violentes.. « In real Time » vous malaxe, vous entame, vous purifie. Un décrassage sonore comme une rafale de vent en pleine tempête de sable. La chanson traditionnelle de la dernière minute, vous annonce que vous êtes repartis pour un tour.. Physique !

MAZK « In real Time » (Ytterbium)

SPLIT SINGLE ACHE RECORDS

SIGHTINGS / HRVATSKI « SPLIT DIV /ORCE SERIES » (Ache)
Troisième référence pour l’impeccable série Div/orce, split single en format 45 tours. Après Fourtet et Matmos, voilà donc le tour de Keith Hrvatski, accompagné du groupe free rock noise new-yorkais Sightings. Repéré, il y a quelques années sur Planet Mu, Hrvastki est ici au sommet de son art. « Une drôle de journée » est à lui seul un concentré de toute la diversité de la musique actuelle et des références de son auteur. Breakbeat grésillant, jeu de batterie bancal , petit interlude de noisy electronica et mélodie pop ensoleillée, Hrvastski enjambe les styles et les méthodes avec une facilité déconcertante. Un coup de pied dans la passivité actuelle. Face B, Sightings couine dans des enceintes tachées du sang de gladiateur hardcore. Gaulé comme une reprise de Sonic Youth par Fantômas, « Back to back » éclabousse de sa noirceur jusqu’au frisson qui vous court le long de l’échine.

FROG POCKET

FROG POCKET
« GONGLOT » (Planet Mu / La Baleine)
Derrière Frog Pocket se dissimule John Charles Wilson de Ayr (à l’Ouest de Scotland). Prolifique musicien depuis 1996 de la scène « scottish », responsable d’albums sur les labels Afe (Cd-r) et Benbecula, et d’un premier 45 tours pour Planet-Mu (« Fir Faas » en 2003), John consolide son univers avec ce premier album pour la structure de Mike Paradinas. Regroupant des compositions de 1999 à aujourd’hui, nous voilà projeté dans un parterre de lucioles où s’égrainent influences électronica, indie-pop, classique, folklorique et IDM. Cinématographique et fantomatique, aride et naturel, Frog Pocket ne connaît pas les routes droites et directes ; préfèrant les chemins de foret la nuit. Quitte à perdre des auditeurs en chemin.. Mélodies aux violons flirtant parfois la surcharge mélancolique, beats déstructurés envahis d’envie de grosse artillerie Snares, thèmes électroniques s’évaporant dans les dissonances shoegazing, il joue à l’équilibriste entre Dead Can Dance, Mu-ziq, Lexaunculpt, Afx et Capitol K. Un terrain de jeux construit sur les samples jaunis, qui, selon le jour, émeut ou laisse de marbre.
(Laurent Guérel)